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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/20

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suivre Mlle de Malzonvilliers, quand elle allait avec Claudine chercher des fraises dans les bois. Dans ces occasions, qui se renouvelaient tous les jours, le petit général soupirait de tout son cœur et demeurait tout interdit lorsque la main de Suzanne rencontrait sa main. La petite fille le faisait aller et venir à son gré, mais avec tant de grâce naturelle et d’un air si charmant, que Jacques serait parti pour le bout du monde sans délibérer, sur un signe de ses yeux bleus.

Les années se passaient donc entre les études, les batailles et les promenades. On était en ce temps-là au milieu des troubles et des guerres, on n’entendait parler que de villes attaquées, de camps surpris, d’expéditions meurtrières. Le cardinal Mazarin et le parti du roi luttaient contre le parlement, les princes et l’Espagnol. M. de Condé tenait la campagne, tantôt vainqueur, tantôt vaincu ; mais jusqu’alors la ville de Saint-Omer, protégée par une bonne garnison, n’avait pas eu à souffrir des déprédations de l’ennemi. Jacques serait parti depuis longtemps, s’il n’avait été retenu par le charme qu’il éprouvait à vivre auprès de Mlle de Malzonvilliers. Ce sentiment était d’autant plus impérieux, qu’il ne s’en rendait pas compte. Le hasard, ce grand architecte de l’avenir, lui fit lire dans son propre cœur. Un jour qu’il était assis dans un coin du jardin, la tête penchée, et roulant une dague entre ses doigts, sa sœur Claudine vint tout doucement lui frapper sur l’épaule. Jacques tressaillit.

– À quoi penses-tu ? dit l’espiègle.

– Je n’en sais rien.

– Veux-tu que je te le dise, moi ? Tu penses à mamzelle Suzanne.

– Pourquoi à elle plutôt qu’à une autre ? s’écria Jacques un peu confus.

– Parce que Suzanne est Suzanne.

– Belle raison !

– Très bonne, reprit l’enfant dont un malin sourire entr’ouvrit les lèvres vermeilles. Oh ! je me comprends !