Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/208

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s’étaient rendus au camp, aussi bien pour recevoir les ordres du roi que pour lui présenter leurs hommages ; son cortège était grossi de leur suite, où l’on remarquait bon nombre de dames appartenant à la noblesse des Trois-Évêchés, de la Picardie et de l’Artois. Leur présence donnait plus d’éclat à ces fêtes militaires et mêlait les prestiges de la galanterie à tout cet appareil guerrier. Le régiment de M. de Nancrais avait été désigné pour former la haie, conjointement avec la maison du roi et les régiments de Crussol et de la marine. Belle-Rose était à son rang. Derrière le roi, parmi les femmes de la cour, l’une d’elle attirait tous les regards.

– Qu’elle est belle ! disait un cornette du régiment de Crussol qui se penchait en avant pour la mieux voir.

– Vrai Dieu ! reprit un autre officier, pour cette femme je donnerais ma vie et ma maîtresse !

– Cette femme ? ajouta un troisième, dites donc cette déesse !

Belle-Rose, à son tour, regarda du côté des dames ; un éclair sembla passer devant ses yeux éblouis ; son cœur cessa de battre, et il devint pâle comme un mort.

Mme de Châteaufort, fière et superbe comme la Diane chasseresse, marchait au milieu du groupe. Elle avait toujours cette beauté splendide qui lui donnait l’aspect d’une reine. Ses yeux étincelants et sa lèvre dédaigneuse attiraient et repoussaient en même temps l’admiration. Cependant un voile indéfinissable de mélancolie adoucissait l’expression un peu hautaine de son visage, où l’on voyait flotter les ombres d’une pensée amère et désolée. En ce moment elle leva les yeux : Belle-Rose était debout devant elle. Les lèvres rouges de Geneviève blanchirent, ses longs cils tremblants s’abaissèrent ; elle chancela. Mais vingt rivales étaient autour d’elle qui l’observaient ; elle redressa son front plus pur que le marbre, et passa. Belle-Rose palpitait encore sous ce regard humide plein d’amour et de prière, lorsqu’une autre secousse vint ébranler son cœur. Suzanne