Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/214

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– La discipline et la famille ne vont pas bien ensemble, avait-il dit ; qu’il soit aujourd’hui tout à l’une pour être demain tout à l’autre.

Tandis que Belle-Rose, en compagnie de son père, de Cornélius, de Claudine et de Pierre, allait chercher un peu de silence et de repos dans quelque village voisin, le Lorrain rôdait dans le camp. L’entreprise n’était point aussi aisée qu’il l’avait cru d’abord. L’arrivée de Louis XIV avait excité dans le camp un tel tumulte et un tel mouvement, que le Lorrain n’avait pas pu trouver l’occasion de s’approcher de Belle-Rose. D’un autre côté, Conrad avait, tout en explorant les lieux, reconnu un sergent du régiment de Rambure, dans la compagnie duquel il avait servi. La découverte du Lorrain entraînait sa pendaison. Il commença donc par battre en retraite, mais il n’était pas homme à renoncer pour un si mince danger à la mission que M. de Villebrais lui avait confiée. Après avoir pris une connaissance exacte des localités, le Lorrain s’éloigna, monta sur un cheval qu’il avait à tout événement caché dans un fourré, et poussa jusqu’au bois de Morlanwels, où il prévint M. de Villebrais du retard qu’éprouvait son honnête expédition.

– C’est partie remise, lui dit-il en finissant.

– Tant pis pour toi, répondit l’officier. La récompense aussi est remise. Tu n’auras rien aujourd’hui.

– C’est autant de perdu.

– Mais tu auras vingt louis demain, si tu réussis.

– Alors, c’est regagné.

Conrad remonta sur sa bête, joua de l’éperon et se jeta dans un ravin proche du camp, où il s’établit pour la nuit. Il voulait être de bonne heure en mesure de profiter des circonstances.

Vers neuf heures, Belle-Rose s’étant séparé de son père, à qui Claudine avait offert un asile dans la maison de Mme d’Albergotti, regagna son quartier. La Déroute, qui, malgré son grade, s’était institué le planton régulier du lieutenant, allait et venait devant sa tente.