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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/217

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comme une flamme dans les veines du jeune officier. Il sentit son courage mollir, et dégageant sa main de l’étreinte de Geneviève, il lui fit signe de s’asseoir. Geneviève s’assit ; sa tête était pâle et désespérée comme le visage de marbre de Niobé ; sa respiration était oppressée, et malgré la chaleur précoce de la saison, ses dents claquaient.

– Renoncez à cette explication, lui dit Belle-Rose ; je n’ai qu’une question, une seule à vous adresser. Votre réponse suffira.

– Vous ne saurez rien, ou vous saurez tout, reprit la duchesse avec fermeté. Vous êtes mon juge et mon maître ; écoutez-moi.

Belle-Rose connaissait trop bien Mme de Châteaufort pour se méprendre à l’accent de sa voix. Jusque dans la soumission de cette femme il y avait de la reine qui veut et sait se faire obéir. Il se tut et attendit.

– J’avais quinze ans, reprit-elle, quand je vis M. d’Assonville pour la première fois. Les guerres de la Fronde ensanglantaient alors la France. J’habitais avec ma mère, une Espagnole alliée à la famille des Médina, un château voisin d’Écouen.

– Je le connais, dit Belle-Rose.

– Un soir que je me promenais seule dans le parc, j’entendis le bruit d’une mousquetade aux environs ; la peur me prit, et je me mis à courir dans la direction du château. Tout à coup, au détour d’une allée, un officier se présente à moi ; il était pâle, effaré, sanglant. – Sauvez-moi, me dit-il d’une voix éteinte, et il roula au pied d’un arbre. – On entendait le piétinement d’une troupe de cavaliers à peu de distance. Je m’élançai vers la petite porte du parc ; mais il n’était plus temps, le chef de la bande m’aperçut.

– N’avez-vous pas vu ici un officier ? dit-il.

Dieu m’inspira le courage de mentir.

– Non, répondis-je résolument. J’ai entendu la fusillade et suis accourue pour fermer la porte.