Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/223

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a été la seule personne devant qui j’aie tremblé. Après un mois d’hésitation, j’épousai le duc. Trois jours après, je revis M. d’Assonville ; laissé pour mort dans un combat où mon père se trouvait, il avait dû la vie aux soins charitables de malheureux paysans, qui l’avaient recueilli sur le champ de bataille. Sa douleur m’épouvanta ; ses reproches, à la fois amers et passionnés, me brisèrent le cœur. Oh ! il m’aimait bien, celui-là !… mais moi je ne l’aimais plus… La pitié quelquefois réchauffait mon âme… Hélas ! ce n’était pas la tendresse qui l’agitait, c’était le souvenir !… Nous nous rencontrions alors dans la petite maison de la rue Cassette, où j’avais établi ma nourrice. Ces rencontres étaient tour à tour douces et empoisonnées pour moi ; pour lui elles étaient enivrantes ou terribles. Parfois il se souvenait de M. de Châteaufort : moi, je me souvenais de don Pèdre. Cette vie me devint intolérable. Un jour je lui témoignai le désir que j’avais de rompre nos relations. Il résista. Je le priai avec des larmes dans la voix… Il m’offrit de m’enlever, de quitter la France, et d’aller vivre au bout du monde avec notre enfant. Cette proposition venait trop tard : je ne l’aimais plus.

– Vous refusez, me dit-il ; eh bien ! si je n’ai pas la mère, du moins j’aurai l’enfant.

Cette menace me vint au cœur. Mon enfant ! comprenez-vous cela, dites ? C’était toute ma vie, à moi, mon refuge, mon espérance, mon repos, ma joie… Ses sourires éclairaient mon désespoir… Quand j’étais lasse de vivre, je l’embrassais et j’oubliais.

– Mon enfant ! m’écriai-je, et je sentis tout d’un coup cette force et cette énergie qui avaient si longtemps sommeillé dans le cœur de la vierge. Mon enfant ! ne l’ai-je donc pas assez payé de ma honte, de mes pleurs, de mes angoisses ! L’enfant est à la mère, et vous voulez me l’arracher !… Cela ne sera pas, je vous le jure !

Le lendemain, l’enfant avait disparu. M. d’Assonville n’eut pas le temps de se livrer à de longues recherches, la