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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/226

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plus me ravir mon fils, je l’aurais rendu à sa tendresse. Déjà j’étais lasse de cette vie aventureuse où toute distraction était empoisonnée. J’étais étonnée d’avoir pu regarder avec d’autres yeux que les yeux de l’indifférence un homme qui n’avait ni grandeur dans le caractère, ni noblesse dans les sentiments… La honte me prenait au cœur !… Je vous vis, vous m’aviez sauvée, vous étiez jeune, vaillant, généreux et fier ! Vous ne savez pas combien je vous aimai tout de suite… Je voyais en vous comme dans une eau limpide, et votre vaillante nature rendait à la mienne un peu de sa jeunesse et de sa fraîcheur. Je sentis renaître en moi les sources des douces pensées ! Oh ! que n’étais-je jeune fille alors ! J’eusse été digne de vous… Vous m’auriez aimée, peut-être !…

– Geneviève ! Geneviève, s’écria Belle-Rose bouleversé à cet accent, dites, ne l’avez-vous pas été ?

À ce cri, un éclair de joie illumina la tête pâle de Geneviève.

– Je l’ai été, reprit-elle ; est-ce bien vrai cela ?… Est-ce la pitié qui vous inspire cette bonne parole ou votre cœur qui vous la rappelle ? J’ai été aimée ! J’ai eu ma part de bonheur, et vous ne me maudirez pas, et vous aurez parfois mon nom sur vos lèvres ! J’ai tant souffert, si vous saviez ! j’ai tant prié et tant pleuré ! votre abandon m’avait rendu folle, votre colère me tuerait. Que faut-il que je fasse, dites ? Votre volonté sera ma loi ; parlez, et j’obéis… Mais ne me chassez pas de votre souvenir… Où que j’aille, et quoi qu’il m’arrive, faites au moins que j’emporte un mot qui me console et me relève… Vous ai-je été si chère un jour pour que vous me haïssiez toute la vie ?… Jacques ! mon ami, votre main, mon Dieu ! votre main !

Jacques prit la tête de Geneviève entre ses deux mains et la baisa au front.

– Vous avez aimé, vous avez souffert ! que Dieu vous pardonne ! dit-il.