Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/273

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savais malheureuse ; si vous m’avez vu triste, c’est parce que j’avais brisé votre espérance et flétri votre jeunesse ! Vous êtes demeurée sainte et pure comme je vous ai trouvée ; qu’ai-je donc à vous pardonner ?

Suzanne, agenouillée au bord du lit, pleurait sur les mains tremblantes de M. d’Albergotti. Elle était sans voix pour répondre, mais la bonté du vieillard entrait dans son cœur et la remplissait à la fois de reconnaissance et d’affliction.

– Relevez-vous, Suzanne, lui dit M. d’Albergotti… Encore un peu de courage et de résignation… Vous serez libre bientôt.

– Oh ! monsieur ! fit Suzanne avec un doux accent de reproche.

– Laissez faire la volonté de Dieu, pauvre affligée ; il n’y a point d’amertume dans mes paroles, reprit le vieil officier ; je n’ai plus d’avenir ; il faut que la jeunesse aille à la jeunesse. Relevez-vous, Suzanne, et mettez tout votre espoir en Dieu.

Tandis que ces choses se passaient à Compiègne, Mme de Châteaufort poussait droit sur Paris. Elle ne descendit de voiture que pour monter chez M. de Louvois. Aux premiers mots qu’elle lui toucha de l’affaire qui l’avait amenée à Paris, le ministre l’arrêta.

– Belle-Rose vous doit la vie une fois déjà… Il ne vous devra pas autre chose.

Mme de Châteaufort laissa échapper un geste d’étonnement.

– Oh ! reprit M. de Louvois, la mémoire est une des servitudes de ma profession : je n’oublie rien. Le nouveau crime de Belle-Rose n’est pas de ceux pour lesquels on décapite un homme, mais il est suffisant pour qu’on en retienne dix en prison leur vie durant. Il est à la Bastille, il y restera.