Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/274

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Après les formalités d’usage qui précédaient l’incarcération d’un prisonnier à la Bastille, Belle-Rose avait été conduit dans une chambre qui avait vue sur le faubourg Saint-Antoine. Il entendit fermer les verrous et se trouva seul. Quand vint la nuit, la plus profonde obscurité l’enveloppa ; c’était à peine s’il reconnaissait, à la pâle lueur qui s’en échappait, la place où s’ouvrait la fenêtre. Elle était étroite et garnie de gros barreaux. Tout en bas, à une portée de mousquet, les petites maisons du faubourg Saint-Antoine éparpillaient leurs toits, où l’on voyait, au milieu des ténèbres, briller çà et là d’immobiles clartés. Belle-Rose s’accouda sur l’appui de la fenêtre, et regarda ce coin de la grande ville d’où montait encore un peu de cette rumeur qui flotte incessamment sur la cité. L’une des lumières disparut, puis une autre, puis une autre encore. On n’en distinguait plus que trois ou quatre qui rayonnaient comme des étoiles tombées du ciel. Tandis que Belle-Rose les contemplait, une indéfinissable émotion pénétrait dans son cœur ; il lui semblait que ces lumières étaient l’image de ceux qu’il avait connus. Une de ces radieuses étincelles, tout à coup enlevée par une invisible main, lui rappelait M. d’Assonville tué au cœur de la vie ; une clarté rougeâtre, qui disparut brusquement dans les plis sinistres de la nuit, le fit souvenir de M. de Villebrais et de l’heure funèbre qui avait sonné sa mort ; plus loin encore, une douce et tremblante lumière, lentement éclipsée derrière un épais rideau, le fit songer à son père, dont la vie avait été si honnête et la mort si loyale. À mesure que ces pensées l’envahissaient, Belle-Rose sentait son âme s’emplir d’une mélancolie profonde,