Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/293

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– Libres ! libres tous deux ! lui dit-elle à l’oreille.

Belle-Rose la pressa sur son cœur et colla ses lèvres au chaste front de sa fiancée. Mais déjà la Déroute et Cornélius étaient allés prendre derrière la chapelle des chevaux anglais dont l’Irlandais connaissait la vitesse.

– Vite à cheval, dit le sergent, chaque parole nous vole une lieue.

– Oui, Jacques, fuyez, fuyez promptement, ajouta Suzanne.

– Moi, fuir ! dit Belle-Rose ; je vais au camp.

– Ah ! ah ! fit la Déroute, il serait plus court alors de retourner à la Bastille.

– Mais on m’entendra… on me jugera !

– Et l’on vous fusillera, interrompit la Déroute ; après ça, si c’est votre idée, partez, je vous suis.

Cornélius intervint ; mais Belle-Rose n’aurait pas cédé, si Suzanne elle-même ne l’eût prié de fuir pour l’amour d’elle.

– Moi, je demeure pour vous défendre, et quand j’aurai obtenu votre grâce, j’irai moi-même vous en porter la bonne nouvelle.

Cependant Geneviève était restée agenouillée à l’ombre du pilier ; elle priait les mains jointes. On entendait dans le sanctuaire la voix du prêtre qui officiait et, sous les voûtes de la vieille chapelle, les bruits incertains et doux qui chantaient comme l’écho d’une mystérieuse prière. Le visage de Geneviève était tout trempé de larmes ; les sanglots déchiraient sa poitrine, et ses mains amaigries se collaient à son cœur plein d’une indicible douleur.

« Mon Dieu, disait-elle, je vous ai offert ma vie comme une expiation, j’ai voulu boire jusqu’à la dernière goutte le calice amer que vous m’avez présenté, afin que mes péchés me fussent remis… J’ai prié, j’ai pleuré, j’ai souffert, et cependant, mon Dieu, je l’aime toujours !… Ô vous, mère divine du Christ, qui êtes tendre et miséricordieuse, vous à qui la douleur a enseigné la bonté,