Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/312

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

– Je suis à vous, monseigneur.

Tandis que M. de Louvois causait avec M. de Charny, l’huissier à qui Mme d’Albergotti avait été confiée la conduisit dans une petite pièce où se trouvait déjà un gentilhomme. À la vue d’une femme qui semblait appartenir à la cour, tant elle avait de noblesse dans la démarche, le jeune homme se leva du siège où il était assis. Suzanne le regarda, et il lui parut qu’elle avait vu ce visage quelque part ; mais dans l’état de trouble où l’avait jetée son entrevue avec M. de Louvois, elle ne put se rappeler ni en quel lieu, ni en quelle circonstance.

– Eh ! madame la marquise ! il m’est doux de vous rencontrer ! s’écria tout à coup le gentilhomme.

Suzanne examina son interlocuteur plus attentivement et reconnut enfin M. de Pomereux, qui, au temps où elle était encore à marier, avait passé quelques jours à Malzonvilliers. Elle s’inclina ; et comme, dans la situation d’esprit où elle était, tout visage de connaissance lui paraissait un visage ami, elle tendit sa main à M. de Pomereux, qui la baisa. M. de Pomereux n’était pas tout à fait ce qu’il était à l’époque où il avait été question de son mariage avec Suzanne. On voyait sur son visage amaigri les traces d’une vie dissipée ; les contours en étaient en quelque sorte effacés et chargés de teintes pâles ; le sourire incertain et parfois railleur ; le regard fin, mais voilé. Aux rides précoces qui sillonnaient son front, aux cercles bleuâtres qui plombaient ses joues, on reconnaissait promptement que M. de Pomereux avait abusé de sa jeunesse. Mais, à certains mouvements de sa physionomie, il était aisé de voir que le débauché pouvait se souvenir encore qu’il était gentilhomme.

– Mais, à ce que je puis voir, vous sortez de chez M. de Louvois ? dit-il en conduisant Mme d’Albergotti vers un siège.