Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/323

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mains et demeura silencieuse. Son front rougissait et son cœur battait à coups pressés.

– Tout cela vous surprend quelque peu, madame, reprit le comte, mais c’est une doctrine à laquelle vous arriverez avec le temps. On y trouve plus de douceur que vous ne pensez. Et puis, nous n’avons, ni vous, ni moi, tout le temps de réfléchir aux conséquences de la proposition que je vous ai faite. Le principal est de ne pas vous laisser mettre en prison. Nous nous arrangerons après. J’y risque quelque chose, je le sais ; mais je me suis toujours senti un secret penchant pour vous, qui me porte à tout braver pour vous rendre service.

Suzanne releva la tête pour voir si M. de Pomereux ne parlait pas pour se moquer. Jamais il n’avait été si sérieux.

– Ce que je vous dis là, madame, c’est la vérité, ajouta-t-il ; votre premier refus de m’épouser ne nous a pas porté grand bonheur à tous deux. Voyez où vous en êtes ; quant à moi, j’ai fait beaucoup de choses, beaucoup de mal, un peu de bien, vivant au hasard et faisant de ma jeunesse l’emploi que le diable voulait ; il m’en reste un violent désir d’en finir au plus tôt avec cette existence un peu décousue, un grand fonds d’indulgence pour les fautes d’autrui, et une assez maladroite expérience qui m’enseigne à prendre le temps comme il vient et le monde comme il est. Tel que je suis, madame, je m’offre à vous, et malgré ma modestie bien reconnue, j’ai la prétention de croire que je vaux mieux qu’une prison.

Suzanne s’était remise de son trouble pendant ce singulier discours ; quand M. de Pomereux se tut, elle s’inclina et lui dit à son tour :

– Puisque tout ceci est plus sérieux que je ne pensais d’abord, je vous répondrai sérieusement, monsieur. Vous avez professé des théories dont je ne contesterai pas le mérite, mais qui ne sont pas les miennes. J’ai pu, au temps où la volonté d’un père servait de guide à ma