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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/338

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appellerez comme il vous plaira, mais qui est sincère ; votre avenir m’épouvante. Vous ne savez pas quel homme c’est que mon cher cousin. Entre nous, et quand la passion le domine, je le crois un peu capable de tout. Vous et le capitaine Belle-Rose l’avez blessé dans son orgueil de ministre ; la plaie est incurable. Vous savez quel jour vous êtes entrée en ce couvent, savez-vous bien quel jour vous en sortirez ? Êtes-vous bien sûre que Belle-Rose revienne jamais ? Entre vous il y a la mer et la colère du ministre, madame ! Voulez-vous faire de ce cloître votre tombeau ? Sortez d’abord, épousez-moi et vous vivrez après à votre guise. Si je vous déplais trop, notre gracieux monarque me fournira bien quelque occasion de me faire casser la tête à son service. Tout au moins serez-vous libre et hors de ces murs où l’on étouffe.

Mme d’Albergotti vit bien cette fois que M. de Pomereux parlait sérieusement. Son visage était animé, l’expression de sa voix était tendre et suppliante ; l’enveloppe du débauché s’était fondue, et l’on voyait à nu l’âme du gentilhomme. Elle tendit la main au jeune comte, qui la baisa respectueusement.

– Merci, monsieur, lui dit-elle ; vous avez le cœur bon, bien qu’il soit pétri d’une étrange façon. En vous repoussant, ce n’est pas M. de Pomereux que je repousse, c’est le mariage avec un autre qui ne serait pas Belle-Rose. Je lui ai engagé ma foi : qu’il meure ou qu’il vive, je la lui garderai. Je ne me dissimule aucun des périls auxquels m’expose la rancune de M. de Louvois. Ces périls ne seront pas plus forts que ma résignation. Vous m’avez comprise, monsieur ; qu’il ne soit plus désormais question de cela entre nous.

M. de Pomereux s’inclina. Ce qu’il avait encore à dire l’étranglait ; il voulut vaincre son émotion et n’y parvint pas. Il se pencha sur la main de Suzanne et la baisa de nouveau avec un respect qui n’était pas dans ses habitudes.