Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/349

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pesait sur son front, où l’on voyait passer les ombres de dévorantes inquiétudes. Parmi les personnes qui venaient la visiter, il y avait une dame âgée que Gabrielle appelait sa tante. Cette dame, vêtue à la mode du temps de la régence d’Anne d’Autriche, avait un air qui ne revenait pas à Suzanne. Elle était toujours prévenante et polie, douce et toute confite en Dieu, et trouvait dans sa mémoire une foule de noms charmants dont elle accablait sa nièce, mais rien n’y faisait, et Suzanne ne pouvait pas s’empêcher de lui témoigner une grande froideur. La dame paraissait ne pas s’en apercevoir, et ce n’était pas là une des choses qui déplaisaient le moins à Mme d’Albergotti. Un jour que la dame venait de quitter Gabrielle, Suzanne demanda à son amie ce que c’était que cette dame-là.

– C’est ma tante, si l’on veut, répondit Gabrielle.

– Comment donc ?

– C’est une toute petite parente à moi, dont on a fait une tante à la mode de Bretagne, sous prétexte qu’elle était un peu cousine de ma mère.

– Y a-t-il longtemps que vous la voyez ?

– Depuis l’enfance. C’est une sainte personne qui est tout attachée à ses devoirs.

– Mais cette sainteté, reprit Suzanne, l’empêche-t-elle d’aimer autre chose que le ciel ?

– Oh ! non pas ; elle a pour moi une sincère affection ; ce matin encore elle pleurait en me voyant si chagrine.

– Que ne vous aide-t-elle donc à sortir d’ici ?

– Elle le voudrait bien ; mais que peut-elle, vieille et pauvre comme elle est ?

– Ah ! elle est pauvre ? murmura Suzanne.

– Ses deux fils sont dans les ordres et ses deux filles sont à la veille de se marier à des personnes riches qui les aiment pour leurs qualités.

À mesure que Gabrielle parlait, Suzanne sentait s’éveiller en elle d’étranges soupçons ; mais elle était d’une