Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/359

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Gabrielle la serra dans ses bras.

– Il vous aime, lui ! on n’a jamais peur quand on est aimée ! murmura-t-elle.

Depuis le jour où Mlle de Mesle avait pris le voile, sa santé, en quelque sorte perdue déjà, allait s’affaiblissant d’heure en heure. Entre chaque matin, il y avait un changement qui effrayait Suzanne ; les joues devenaient plus creuses, le cercle bleuâtre qui encadrait les paupières prenait des teintes terreuses ; ses mains amaigries étaient sèches et brûlantes : il y avait des instants où ses lèvres avaient la pâleur du voile qui flottait sur son front. Elle n’acceptait de remèdes que de la main de Suzanne ; mais quand Suzanne n’était pas là, elle jetait la liqueur et souriait amèrement en voyant s’épancher ce qui devait apporter quelque soulagement à son mal. Un jour que Suzanne la surprit vidant une fiole, elle la lui arracha des mains et la contraignit de prendre ce qui en restait au fond.

– La mort est là, dit Gabrielle, en frappant du bout de ses doigts sur sa poitrine oppressée ; vous prolongez mon supplice de quelques heures.

– Mon Dieu ! vous vivrez, ma pauvre enfant, vous vivrez ! s’écria Suzanne, qui se sentait suffoquée par les larmes.

– Et pourquoi voulez-vous que je vive ? s’écria Gabrielle en éclatant en sanglots ; ne suis-je pas perdue pour lui ?

À ce cri, Suzanne comprit que le cœur de Gabrielle n’était pas moins malade que son corps. La terreur et l’amour la tuaient tout ensemble. Elle l’embrassa avec une effusion plus tendre et voulut rendre un peu d’espoir à cette âme désolée ; mais Gabrielle garda un morne silence ; le frisson la glaçait jusqu’aux os ; elle secouait la tête et pleurait ; vers le soir, Suzanne dut la coucher en proie à une fièvre ardente. Ce fut une nuit sans sommeil ; mais dès le matin Gabrielle se leva et se rendit