Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/40

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Les grenadiers crièrent : Vive le roi ! et apprêtèrent leurs armes. Au moment où M. d’Assonville allait donner le signal d’attaquer, un vieil officier lui toucha légèrement le bras.

– Monsieur le comte, lui dit-il, ils sont deux contre un et l’avantage de la position est pour eux.

– Quoi ! c’est vous, monsieur du Coudrais, qui comptez l’ennemi !

– Je dois compte au roi, mon maître, de la vie de tous ces braves gens, reprit l’officier en montrant du bout de son épée les soldats impatients. Maintenant ordonnez, et vous verrez si j’hésiterai à me faire tuer.

– Non pas, monsieur, vous triompherez avec vos grenadiers. Ils sont un contre deux ! eh bien, nous avons pour nous la vue de ce village qui brûle ! Chaque chaumière qui croule crie vengeance. En avant !

Toute la troupe entendit ces mots. Les soldats électrisés s’élancèrent, et Jacques, emporté le premier, sentit courir dans ses veines le frisson de la guerre. Les Hongrois, après s’être mis en bataille, attendaient les Français en poussant mille cris. Grâce à la supériorité du nombre, ils comptaient sur une facile victoire ; bien éloignés de mettre la rivière entre eux et les assaillants, ce qui aurait doublé leurs forces par l’avantage de leur position, ils coururent à leur rencontre pêle-mêle et sans ordre, aussitôt qu’ils les virent s’ébranler. Le choc fut terrible ; la fusillade éclata sur toute la ligne, et les cavaliers s’abordèrent le sabre et le pistolet au poing. Un instant on put croire que le succès serait douteux. Les combattants ne faisaient qu’une masse mouvante étreinte par la colère et le sauvage amour du sang ; de cette masse confuse montait un bruit de fer mêlé à des hurlements de mort. À toute seconde un homme disparaissait du milieu de cet océan de têtes qu’entouraient mille éclairs, où sonnait le cliquetis des armes, et l’espace se resserrait ; mais les décharges des grenadiers de M. du Coudrais, qui combattaient en bon ordre, avaient éclairci les rangs