Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/39

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Un paysan qui fuyait sur un méchant bidet apprit à M. d’Assonville qu’une vingtaine de maraudeurs s’étaient présentés à l’abbaye, avaient forcé les portes et ordonné aux religieux de préparer des vivres pour toute la troupe, s’ils ne voulaient pas voir leur maison mise à feu et à sang.

– Qu’a fait l’abbé ? demanda le capitaine, dont les yeux s’enflammèrent.

– Dame ! reprit le paysan, il a vidé la cave et fait dresser les tables.

– Bien, nous mangerons le dîner après le bal.

– Hum ! fit l’autre, m’est avis, mon officier, que bien des danseurs manqueront au festin. Les Hongrois sont nombreux.

– Combien ?

– Mais six ou sept cents, tous à cheval et bien armés. Leur chef a fait sonner de la trompette ; les bandes dispersées de toutes parts se sont réunies, et, en attendant que le souper soit prêt, elles pilent Anvin.

Le village était en feu et la fusillade éclatait dans la plaine.

M. d’Assonville se dressa sur ses étriers, l’épée à la main. Ce n’était plus le pâle jeune homme au front décoloré. L’éclair brillait dans ses yeux, le sang brûlait sa joue.

– En avant ! cria-t-il d’une voix tonnante, et du bout de son épée il montra à ses soldats le village flamboyant. Toute la troupe s’ébranla.

À la vue des Français, les clairons sonnèrent et les ennemis se rangèrent en bataille à quelque distance d’Anvin, aux bords de la Ternoise. Leur troupe était nombreuse et bien montée ; mais M. d’Assonville était de ceux qui ne savent pas reculer ; il fit mettre pied à terre aux grenadiers et les divisa par pelotons de vingt à vingt-cinq hommes entre ses cavaliers.

– Jouez du fusil comme nous jouerons du sabre, leur dit-il, et nous ferons passer la rivière sans bateau à ces méchants drôles.