Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/405

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d’un trait. Il y eut un instant de silence durant lequel maître et garçons regardèrent la porte du coin de l’œil.

– Il est presque bon, va, je te pardonne, dit enfin le comte.

La valetaille disparut, et les deux convives s’assirent en face l’un de l’autre. Cornélius avait moins d’appétit que de curiosité ; cependant, comme l’heure était avancée, que le souper était bon et que c’était d’ailleurs un homme fort accommodant en toute chose, il tint bravement tête à son compagnon.

– Où en étais-je donc ? dit M. de Pomereux après avoir mis en pièces un lièvre et deux perdrix.

– Vous en étiez resté aux périls encourus par votre inhumaine.

– Ah ! oui. Voilà que la colère me reprend ; il faut que j’assomme un garçon. Je vais appeler le cabaretier pour qu’il m’en apporte un. Holà !

– Laissez donc, vous le tuerez en sortant.

– Eh bien ! vous m’y ferez penser.

– C’est convenu.

M. de Pomereux jeta une bouteille vide par la fenêtre, cassa le goulot d’une bouteille pleine et continua :

– Mme d’Albergotti s’imaginait d’abord qu’il n’y allait pour elle que du voile de religieuse ou du voile de mariée. Il m’a fallu lui confesser la vérité tout entière ; il y va du fort l’Évêque ou de Vincennes.

– Diable ! mais c’est beaucoup d’honneur qu’on lui fait ! La voilà traitée en criminelle d’État.

– Cela vient de ce que, grâce à M. de Charny, mon gentil cousin, monseigneur de Louvois, a eu vent des manœuvres de M. Belle-Rose.

– Voyez-vous ça !

– Or le ministre est un ministre très prudent, qui s’imagine qu’on est plus sûrement dans une prison que dans un cloître, dans un cachot que dans une cellule.

– C’est aussi l’avis des geôliers.