Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/406

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– Ah ! si Mme d’Albergotti consentait à prononcer ses vœux, il la laisserait fort à l’aise dans la pieuse maison des dames bénédictines, bien sûr qu’elle n’en sortirait plus. Mais c’est une femme qui est, dans sa taille mignonne, plus forte qu’un chêne. On la tuerait avant qu’elle articulât le oui sacramentel.

– C’est de l’entêtement !

– Oui, mais dans le langage du sentiment, on appelle ça de la constance. Croiriez-vous que pour la tirer de ce gouffre, je lui ai proposé de l’épouser et de la conduire après où bon lui semblerait, dans quelque château à moi, s’il m’en reste un, ou dans l’une de mes terres, lui promettant, sur ma foi de gentilhomme, de n’y jamais retourner sans sa permission ? Si Mme la marquise se fût regardée dans un miroir pendant que je lui parlais, elle aurait compris la grandeur de mon sacrifice. Mais point !

– Elle vous a refusé ?

– Tout net. M. de Louvois va se moquer de moi. Il faut croire que l’amour a fini par m’ensorceler. Que diable ! on n’est pas mal tourné cependant, on a de la naissance et l’on n’est point sot, après tout !

– Ma foi, mon cher comte, il faut mettre ce refus au chapitre des caprices féminins. On accepte et l’on refuse comme il pleut et comme il vente, sans qu’on sache pourquoi.

– Ce qu’il y a de curieux, c’est que ne pouvant pas être le mari de Mme d’Albergotti, je deviendrai son tyran.

– Vous !

– C’est une idée à M. de Louvois. D’ici à trois jours, parbleu ! je me mettrai à la tête de l’escorte qui la conduira je ne sais où, et jusque-là on m’a commis à sa garde. Mon beau cousin veut faire de moi une espèce de Barbe-Bleue. « Monsieur le comte, m’a-t-il dit, en s’armant de ses grands airs, prenez garde que la dame ne vous soit enlevée après s’être jouée de vous. Repoussé