Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/407

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et trompé, ce serait trop pour votre renom. » Ça m’a piqué, et, d’honneur, je sens que je vais devenir impitoyable. Il ne me manque rien que d’avoir le casque en tête et la lance au poing pour ressembler à ces cavaliers des contes de fées qui défendaient leur belle.

– C’est selon comme vous entendez le verbe, dit tranquillement Cornélius.

– Oh ! je ne chicanerai pas sur le mot ; mettons que je suis un ogre qui surveille ma victime.

Le souper touchait à sa dernière bouteille ; M. de Pomereux se leva, donna un grand coup de pied à la table, qui s’écroula avec un affreux cliquetis de verre et de porcelaine, et descendit. Tout ce tintamarre de plats cassés l’avait mis en gaieté, si bien qu’il oublia d’assommer un garçon. Quand ils furent dans la rue, chacun tira de son côté, l’un vers l’hôtel de M. de Louvois, l’autre vers le logis de M. Mériset ; mais au moment de se séparer, M. de Pomereux, ôtant de son doigt une bague, la passa aux mains de Cornélius.

– Prenez ceci, monsieur d’Irlande, lui dit-il ; je ne sais quelle entreprise vous poursuivez, mais, en cas de mésaventure, frappez hardiment à l’hôtel de Pomereux, rue du Roi-de-Sicile ; cette bague vous en ouvrira toutes les portes et vous serez en sûreté.

Cornélius serra la bague dans sa poche, et les deux convives, s’étant pressé la main, se séparèrent. Le jeune Irlandais trouva Belle-Rose en conférence avec Grippard. Le brave caporal estimait dans son for intérieur que l’entreprise ne laissait pas d’être très périlleuse. Bouletord était en permanence autour du couvent avec sept ou huit drôles armés jusqu’aux dents, qui s’amusaient à regarder tous les passants sous le nez. Il y avait dans une écurie de la rue Saint-Maur une demi-douzaine de chevaux tout sellés et bridés en cas d’alerte, et le guet ne se reposait ni jour ni nuit.

– S’il ne s’agissait que de ma peau, ce ne serait rien,