Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/441

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vit dans la plaine les grandes murailles blanches d’une abbaye dont le clocher se dessinait sur le ciel pâle. À cette vue, Bouletord, qui devina l’intention des fugitifs, poussa un cri de rage, et piquant son cheval de la pointe de son épée, le lança ventre à terre. Ses archers l’imitèrent ; leur troupe rapide semblait dévorer le sentier. La Déroute mesura du regard la distance qui s’étendait entre Belle-Rose et l’abbaye ; elle était telle que Bouletord devait atteindre le capitaine avant qu’il l’eût franchie. Les chevaux des fugitifs trébuchaient à chaque élan.

– Voici l’heure, dit le sergent.

Il arrêta son cheval, prit le mousquet pendu à l’arçon de la selle et l’arma. Quand la Déroute se tourna vers Bouletord, une expression terrible se peignit sur son visage. Il abaissa le mousquet et tint son ennemi couché en joue l’espace de dix secondes ; le bras semblait de fer comme le canon, tant il était immobile. Quand Bouletord ne fut plus qu’à trente pas environ, le coup partit. Bouletord lâcha les rênes et tomba sur le cou du cheval. Sa main crispée saisit la crinière et s’y noua ; le cheval effaré arriva comme une flèche et passa devant la Déroute, emportant son cavalier, dont la tête livide battait ses flancs. La balle avait frappé au front le maréchal des logis. Au bout de cent pas, le cadavre glissa sur l’encolure luisante, sa main se détendit, et Bouletord vint rouler tout sanglant aux pieds de Belle-Rose, qui saisit le cheval par la bride et l’arrêta. M. de Charny suivait Bouletord à la tête des archers. Grippard, on le sait, s’imaginait qu’en toute chose, ce qu’il avait de mieux à faire, c’était d’imiter la Déroute. Au moment donc où la Déroute prit son mousquet, Grippard décrocha le sien ; quand la Déroute eut couché Bouletord en joue, Grippard chercha quelqu’un à mettre au bout de son canon. M. de Charny se trouva là tout justement. Après le coup du sergent, Grippard, en homme consciencieux, pressa la détente du doigt. Mais le cheval de M. de