Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/440

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– Tudieu ! monsieur, si vous avez une grande paresse dans l’esprit, vous l’avez aussi tout plein de prudence ! s’écria M. de Pomereux.

Le capitaine Roland, exaspéré par ce sang-froid, fondit sur le comte et lui fournit un dégagement furieux ; mais le comte para avec une promptitude merveilleuse et riposta par un coup droit si rapide que la pointe de fer disparut dans la gorge de son adversaire. L’épée s’échappa des mains du capitaine, il tomba sur la route et mordit l’herbe en se roulant. Le sang sortit à flots de sa bouche, ses doigts se crispèrent : il se débattit trois minutes et mourut.

– Voyons, dit le comte aux estafiers, vous voilà sans chef, je vous prends à mon service ; allons voir ce qui se passe là-bas.

M. de Pomereux s’élança, et les estafiers, tout consolés, le suivirent mêlés aux laquais. Entre Bouletord et Belle-Rose il y avait, au moment où le comte avait provoqué le capitaine, un demi-quart de lieue à peu près ; les deux troupes luttaient de vitesse. Au détour d’un petit tertre, la Déroute mit pied à terre.

– Prenez mon cheval, dit-il à Belle-Rose, il est plus dispos que le vôtre, n’ayant porté que moi.

Grippard imita la Déroute en faveur de Cornélius. Le troc fut fait en deux secondes, et les jeunes gens mirent leurs éperons dans le ventre des chevaux, qui s’élancèrent avec une énergie désespérée. Ce fut un dernier effort, l’élan dura cinq minutes ; au bout de ce temps, les chevaux, essoufflés, buttèrent coup sur coup. Bouletord gagnait de l’espace à chaque bond. On le voyait au clair de lune courir le pistolet au poing et la bride aux dents, fouettant son cheval du plat de son épée. Entre Bouletord et ses archers, il y avait une centaine de pas de distance. La Déroute et Grippard, qui marchaient ensemble, formaient en quelque sorte l’arrière-garde des fuyards. Comme ils sortaient d’un petit bois, la Déroute