Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/447

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de mille rayons. La sainte procession s’avança lentement et s’arrêta le long des grands piliers ; l’abbesse franchit le seuil ; la croix d’argent brillait entre ses mains, et la bannière de l’ordre s’inclinait sur son front. Quand elle eut posé le pied hors de l’abbaye, sur la limite qui séparait la terre de l’asile de la religion, les chants moururent, et les sœurs plièrent leurs genoux. Les archers avaient d’abord ôté leurs chapeaux, mais à la vue de la croix, ils hésitèrent ; l’un d’eux quitta l’étrier, et jetant son mousquet, s’agenouilla sur l’herbe ; un autre l’imita, puis un troisième, puis tous, vaincus par cet appareil de la religion. M. de Pomereux avait, le premier, découvert son front et sauté de selle. M. de Charny, seul à cheval, frémissant de colère, attendait, la tête couverte et la main sur la garde de son épée. Entre l’abbesse et lui, il y avait dix pas à peine ; au delà des sœurs, dans la clarté du chœur, il voyait Belle-Rose et Suzanne, l’un près de l’autre, les mains entrelacées ; près d’eux, Cornélius et Claudine ; derrière eux, la Déroute et Grippard. M. de Charny poussa son cheval. Le cheval fit trois pas, et s’arrêta piaffant, et secouant son mors chargé d’écume. Le rayonnement de la chapelle l’épouvantait. L’abbesse étendit la croix vers M. de Charny, et de son autre main elle montra les fugitifs.

– C’est ici la maison de Dieu, dit-elle, et Dieu protège ceux que vous cherchez. Entrez maintenant si vous l’osez.

M. de Charny recula lentement comme un tigre vaincu. Quand il fut à vingt pas, l’abbesse rentra sous le porche ; et les lourds battants de la porte se fermèrent avec un bruit sonore. Alors, écartant son voile, elle montra aux regards des fugitifs le visage de Geneviève de La Noue, duchesse de Châteaufort.