Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/449

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M. de Charny tourmentait la bride de son cheval et se taisait.

– Ma foi, mon bon monsieur de Charny, continua M. de Pomereux, qui prenait goût à la raillerie, je suis très curieux de connaître votre avis sur l’espèce de récompense que M. de Louvois me tient en réserve. Ouvrez-moi votre cœur là-dessus. Que vous semble d’un régiment ? J’aime fort l’uniforme des dragons. C’est un corps très à la mode, et je voudrais être M. de Lauzun, rien que pour en avoir eu l’idée… M. de Louvois pourrait bien encore me gratifier d’un gouvernement… Il y a de charmantes villes dans notre beau pays de France… S’il vous touche un mot de Blois, d’Orléans, de Tours ou de Bordeaux, je vous autorise à dire que j’accepte.

– Ne vous mettez point en peine, repartit M. de Charny, la récompense qu’on vous ménage sera telle que vous aurez lieu d’en être surpris.

– Vous croyez ! s’écria M. de Pomereux avec une feinte candeur. Il est évident que M. de Louvois, éclairé par vos discours, déploiera toute la générosité qui lui est naturelle. Ma seule crainte est qu’il aille trop loin ; ainsi, par exemple, je ne voudrais pas qu’il me comprît dans la prochaine promotion aux ordres de Sa Majesté.

– Quelle que soit la fête, j’amènerai les violons, répliqua M. de Charny.

On ramassa en chemin le corps de Bouletord et du capitaine Bréguiboul, et la petite troupe gagna Pontoise, où M. de Charny et M. de Pomereux se séparèrent. Celui-là prit des chevaux de poste et retourna ventre à terre à Paris ; l’autre chercha par les rues jusqu’à ce qu’il eût trouvé un cabaret, et il s’y installa le plus gaiement du monde. Malgré la fatigue et l’inquiétude que pouvaient lui causer les suites de cette affaire, M. de Pomereux se conduisit de manière à prouver aux plus incrédules que la mauvaise fortune n’avait aucune prise sur son appétit. Il n’était pas de mésaventure qui pût l’empêcher de