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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/453

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elle-même voulut conduire les hôtes que lui envoyait la Providence aux appartements qu’elle leur destinait. Belle-Rose, Cornélius, la Déroute et Grippard furent établis dans un corps de logis dépendant des jardins de l’abbaye ; Suzanne et Claudine restèrent chez l’abbesse.

– Permettez-moi de vous servir de mère, leur dit-elle ; depuis que vous avez franchi le seuil de cette maison, n’êtes-vous pas mes filles ?

Le lendemain, vers midi, Mme de Châteaufort fit appeler Belle-Rose. Elle le reçut dans un oratoire dont l’unique fenêtre s’ouvrait sur un paysage tel que Paul Potter les aimait. Au loin, une rivière – l’Oise – baignait de ses eaux paresseuses de grandes prairies toutes semées de peupliers ; à l’horizon vaporeux les clochers d’Auvers et d’Hérouville, quelques chaumières çà et là sous des bouquets d’arbres, des saules trapus le long des ruisseaux, et dans les herbes un troupeau ruminant de vaches et de bœufs. Le soleil teignait ces doux paysages d’une lumière dorée qui semblait tamisée par la brume. Les merles sifflaient parmi les haies, et l’on entendait tinter la sonnette des bœufs errant dans les prés. Une sorte de luxe monastique brillait dans l’oratoire : l’abbesse n’avait pu s’empêcher de rester grande dame. Le christ d’ivoire était le plus beau modèle de Jean Goujon ; les tableaux attachés aux pans de chêne noir appartenaient aux meilleurs peintres italiens, une Nativité du Corrège, une sainte Claire d’André del Sarte, une Vierge à l’enfant du Guide ; le bénitier et l’ange étaient de Germain Pilon ; les ciseaux les plus délicats avaient ciselé le prie-Dieu et les lambris. Dans cet oratoire, la religion se faisait attrayante et douce ; Dieu et l’art, qui est fait à son image, y prenaient le pécheur par la main. Geneviève ne put se défendre d’un grand trouble à la vue de Belle-Rose. On vit une larme poindre entre ses cils.