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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/456

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la croix ; quand elle se leva, son visage était comme celui d’un martyr, souffrant et résigné. L’abbesse de Sainte-Claire d’Ennery fit prévenir l’évêque de Mantes, qui promit de donner aux jeunes époux la bénédiction nuptiale, et l’on décida que ce jour-là même Cornélius Hoghart et Claudine seraient mariés. La joie de Belle-Rose et de Suzanne était grave et recueillie, celle de Claudine enfantine et souriante ; elle rougissait en regardant Cornélius, et ne pouvait s’empêcher de le regarder à toute minute ; Cornélius ne savait ce qu’il faisait ni ce qu’il disait. C’étaient, entre ces quatre personnes, d’interminables conversations et de profonds silences ; au plus fort de leurs entretiens il arrivait parfois qu’on voyait passer sous les arceaux du cloître la silhouette élégante de l’abbesse ; ses mains diaphanes tenaient un livre d’heures ; elle les saluait d’un doux sourire et disparaissait sous les sombres voûtes. Alors tout le monde se taisait, et Suzanne, qui était toujours la première à la voir, mettait un doigt sur sa bouche et courait à elle pour l’embrasser.

– Je ne sais pourquoi, disait Claudine s’essuyant les yeux, le sourire de cette pauvre abbesse me donne envie de pleurer.

Cornélius regardait Belle-Rose et soupirait. Dans ces moments-là, Belle-Rose aurait voulu avoir deux vies pour donner l’une à Geneviève et conserver l’autre à Suzanne.

Quant à la Déroute, il ne se tenait pas d’aise. On avait toutes les peines du monde à l’empêcher de chanter, et malgré la sainteté des lieux il se serait livré à mille extravagances, si Belle-Rose et Cornélius n’avaient employé la moitié de leur temps à maintenir sa joie dans des limites honnêtes. Grippard, qui en toute chose prenait modèle sur la Déroute, était d’un contentement à nul autre pareil. Ils s’évertuaient ensemble à bâtir mille châteaux en Espagne ; et Grippard, enthousiasmé par les discours