Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/476

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Une heure après, on s’aperçut de l’absence de la Déroute.

Suzanne remercia le sergent dans le fond de son cœur et attendit, mettant sa confiance en Dieu. Belle-Rose et la Déroute abandonnèrent le palais épiscopal dans la nuit, changèrent de vêtements, se procurèrent des chevaux et sortirent de Mantes au petit jour.

– Maintenant que je suis de l’expédition, dit la Déroute, au moins me direz-vous bien où nous allons ?

– Nous allons dans un petit pays qui est à trois ou quatre lieues de Rambouillet.

– Comment nommez-vous ce petit pays ?

– Rochefort.

– Un joli coin de terre tout entouré de bois et de prés ; là où il n’y a pas d’arbres il y a des herbes ; les poulets y sont dodus, les filles point farouches et le vin du cru pas trop mauvais.

– Tu connais Rochefort ?

– J’y suis allé en recrutement, il y a de ça quelque cinq ou six ans.

– Si bien que tu as conservé tout à la fois la mémoire du cœur et de l’estomac.

– Quels souvenirs en rapporterai-je à présent ?

– Pour cette fois, mon pauvre garçon, tu n’auras guère le loisir de continuer tes études sur le caractère des filles de Rochefort ; tu mangeras bien deux ou trois poulets, si tu veux, mais tu ne boiras du vin du cru qu’autant qu’il t’en faudra pour te maintenir en bonne santé.

– Eh ! eh ! ça m’a tout l’air d’une expédition.

– C’est en effet quelque chose d’approchant : nous sommes partis deux, nous reviendrons trois.

– Ah ! diable ! fit la Déroute en attachant sur Belle-Rose un regard curieux.

– Ce troisième-là n’est peut-être pas, à l’heure qu’il est, beaucoup plus haut que ta botte.