Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/50

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rien à faire non plus à Paris. Avec une conscience trempée comme l’acier on n’arrive à rien, à moins d’être duc et pair tout au moins. Reste soldat : les soldats peuvent garder l’honneur pur ; mais entre dans l’artillerie. Là seulement un homme qui a de la vaillance, de la conduite et quelque savoir peut se pousser, ne fût-il pas gentilhomme. Tu as de la jeunesse et une tournure qui valent bien quelque chose, Dieu fera le reste : il y a mille hasards entre toi et le but, mais Suzanne est au bout du chemin ! J’ai un frère qui commande une compagnie de sapeurs à Laon, je te donnerai une lettre pour lui. C’est un autre moi-même ; le fils de Guillaume Grinedal ne sortira pas de la famille.

Jacques prit les mains de M. d’Assonville et les baisa sans pouvoir parler. Le lendemain, portant dans une bourse les quinze louis d’or que lui avait donnés le capitaine, et monté sur un bon cheval bien équipé, il quitta l’abbaye.

– Voici la lettre, lui dit M. d’Assonville ; si tu as quelque regret de me quitter, j’en ai tout autant de te perdre ; mais il faut que tu arrives à Malzonvilliers, et le plus court chemin passe par Laon. Va donc à Laon. Si jamais tu as besoin de moi, tu me trouveras. Adieu, mon ami.

Jacques pressa la main du capitaine et piqua des deux pour ne pas lui laisser voir que ses yeux se remplissaient de larmes. Il avait déjà l’orgueil du soldat.


Jacques arriva sans encombre à Laon. Le premier soldat qu’il rencontra lui indiqua la demeure de M. de Nancrais. À peine le capitaine eut-il reconnu l’écriture de son frère, qu’il donna l’ordre d’introduire le voyageur.