Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/506

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qui la séparait du monde, elle baisa Belle-Rose au front. Mais ce baiser de mère était si chaste, que l’ange gardien de Geneviève dut l’abriter de ses ailes et le voir sans rougir.

– Est-il ici ? demanda Geneviève, dont les yeux humides ne pouvaient se détacher de ceux de Belle-Rose.

Belle-Rose souleva une portière, et prenant Gaston par la main, il le conduisit dans l’oratoire. Geneviève poussa un cri qui eut son écho dans le cœur du soldat ; elle prit l’enfant dans ses bras et le couvrit de baisers. Ses joues étaient inondées de larmes. L’enfant, qui la reconnut, roula ses bras autour du cou de l’abbesse et se mit à pleurer en l’embrassant, parce qu’elle pleurait. Il l’appelait son amie, ne sachant pas qu’elle était sa mère, et ne se lassait pas de la presser de ses petites mains.

– C’est notre mère à tous, dit Belle-Rose à Gaston, appelle-la ta mère.

Geneviève remercia Belle-Rose d’un regard, et le doux nom de mère vint aux lèvres de l’enfant. Geneviève l’aspira dans un baiser.

– Vous m’avez rendu plus que la vie, dit-elle tout bas à Belle-Rose, vous m’avez rendu la paix.

Quelques mois se passèrent dans une solitude profonde ; les jours fuyaient comme l’eau pure d’un ruisseau entre des rives verdoyantes ; le bonheur les emplissait tous. Cependant il arrivait parfois que Belle-Rose regardait d’un air rêveur les grands horizons fauves où se noyaient dans la brume les clochers des villes lointaines. Quand, par hasard, un escadron passait dans la campagne, clairons en tête et drapeau au vent, il suivait des yeux la marche guerrière ; ses joues se coloraient à l’aspect des armes luisantes et des chevaux superbes ; ses narines frémissaient, un souffle impétueux gonflait sa poitrine, et quand l’escadron disparaissait derrière un pli de terrain, il écoutait encore le bruit des fanfares