Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/514

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On discutait encore lorsque la voiture de M. de Charny s’arrêta devant l’abbaye. Le sombre gentilhomme en descendit et se dirigea, à travers les arbres en fleurs, vers la partie du bâtiment qu’habitait la duchesse de Châteaufort. La Déroute se leva tout à coup et battit des mains.

– Ce soir nous serons libres, s’écria-t-il, venez !

Ce n’était pas la première fois que M. de Charny se présentait à l’abbaye ; déjà, et sous divers prétextes, il avait rendu visite à Mme de Châteaufort, d’abord pour lui faire apprécier la gravité de l’aide qu’elle avait prêtée aux fugitifs, d’autres fois pour négocier, disait-il, un rapprochement entre M. de Louvois et Belle-Rose. Geneviève n’était pas la dupe de la fausse pitié de M. de Charny, mais elle n’avait aucun motif pour ne pas le recevoir. Ces visites renouvelées à plusieurs reprises avaient éveillé quelques soupçons dans l’esprit du sergent, qui, sans les communiquer à personne, se tenait sur ses gardes. En supposant à M. de Charny de mauvaises intentions, la Déroute ne s’était pas trompé. M. de Charny n’oubliait rien. Il avait fait sa haine de la haine de M. de Louvois ; sa défaite chez M. de Pomereux avait achevé d’irriter cette âme pleine de ressentiment. Il voulait une revanche à tout prix. Parmi les laquais qui l’accompagnaient, il y en avait deux qui étaient spécialement chargés d’observer les êtres de l’abbaye, et de jeter les bases d’un enlèvement nocturne. M. de Charny savait que Belle-Rose et les siens habitaient un corps de logis isolé, et c’était là-dessus qu’il comptait pour le succès de son entreprise ; mais encore, avant d’en courir les chances, fallait-il connaître les habitudes de la maison. Ces deux laquais rôdaient donc partout, examinant toute chose du coin de l’œil, faisant causer les jardiniers du couvent et calculant leurs dispositions. Deux autres pansaient les chevaux et ne négligeaient pas, à l’occasion, d’aider leurs camarades de leur savoir-faire. À la