et l’on entendait au milieu du silence de la nuit les cris des vedettes qui se répondaient. L’eau du Rhin filait avec un sourd frémissement. Belle-Rose poussa sa monture à bord du fleuve et en suivit lentement les sinuosités, le corps penché en avant. Il y avait déjà trois ou quatre heures qu’il avait quitté le camp, lorsqu’un coup de canon réveilla le sergent en sursaut. La Déroute ouvrit les yeux et regarda autour de lui ; il n’y avait personne dans la tente, si ce n’est Grippard, qui ronflait dans son manteau. Cornélius était dans ce moment auprès de M. de Nancrais. Un autre coup de canon tira la Déroute de son immobilité léthargique ; il sauta sur ses pieds, et, laissant dormir Grippard, il s’élança hors de la tente. Une douzaine de détonations qui éclatèrent sur l’autre rive le firent courir du côté du Rhin, ne doutant plus que Belle-Rose n’eût, pour quelque entreprise incertaine, porté ses pas dans cette direction. Comme il approchait du bord, il vit un homme à cheval qui s’avançait vers lui au petit galop. La Déroute reconnut Belle-Rose malgré la nuit.
– Hé ! capitaine ! cria-t-il, est-ce vous qui êtes la cause de tout ce bruit qui se fait là-bas ?
– Ma foi, c’est possible, dit Belle-Rose.
Il finissait à peine de parler, qu’un éclair illumina la tour de Tolhus, et qu’un boulet fit éclater le tronc d’un saule à vingt pas d’eux.
– Maintenant j’en suis certain, reprit la Déroute d’un air tranquille. Ah ! mon Dieu, ajouta-t-il, comme vous voilà mouillé ; d’où diable venez-vous donc ?
– Eh mais ! du Rhin apparemment, répondit Belle-Rose en tordant son manteau qui était tout ruisselant.
– Le bain n’a pas été sans musique, mais je ne vois pas à quoi il a pu vous être utile.
Belle-Rose sourit.
– Quand j’étais tout enfant, dit-il en appuyant sa main sur l’épaule du sergent, mon brave homme de