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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/53

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– Monsieur de la Déroute, dit M. de Nancrais au sous-officier, voilà une recrue que je vous confie ; vous le mènerez à la chambrée, l’instruirez dans le métier, et me rendrez compte de sa conduite. Allez.

Malgré son nom formidable, le caporal la Déroute était un excellent homme qui ne demandait pas mieux que de rendre service aux gens. Quand ils furent tous deux dans la rue, le caporal et la recrue, la Déroute se tourna vers notre ami Jacques, appelé maintenant Belle-Rose.

– Il paraît que vous avez été chaudement recommandé au capitaine, lui dit-il ; il ne m’en a jamais dit si long à propos d’un soldat.

– Si long ! un pauvre bout de phrase d’une douzaine de mots…

– Eh ! c’est tout juste trois fois de plus qu’il n’a coutume d’en débiter ! Quand une recrue arrive à la compagnie, M. de Nancrais l’interroge, puis il fait appeler un caporal, et lui montrant l’homme, il lui dit : « Voilà un soldat, inscrivez-le », et il tourne le dos. Oh ! c’est un terrible homme que le capitaine.

– Bah ! dit Belle-Rose, je l’ai vu sourire.

– Il a souri ?

– Mais comme tout le monde ! Ça ne lui arrive donc jamais ?

– Si, quelquefois, mais pas souvent. Moi qui suis vieux dans la compagnie, je sais qu’il a le cœur meilleur que le visage, mais il a pour les recrues un diable d’air qui épouvante les plus têtus. S’il vous veut du bien, vous arriverez vite à l’épaulette.

– L’avancement est donc rapide chez vous ?

– Ça dépend. Quand les sièges tuent beaucoup d’officiers, il faut bien les remplacer ; alors on choisit parmi les cadets pointeurs ou parmi les soldats les plus habiles et les plus vaillants.

– Si bien que, pour ramasser des épaulettes, il faut que l’ennemi nous jette des boulets.