Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/537

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remercie ces messieurs, dit-il, et il appliqua un grand coup d’éperon à son cheval, qui hennit de douleur et sauta par-dessus le fossé.

Trente ou quarante gentilshommes, parmi lesquels étaient le prince de Condé et le duc d’Enghien, tombèrent l’épée au poing sur un gros de cavaliers hollandais. Ces cavaliers les accueillirent à coups de mousqueton. Belle-Rose, au moment où les armes s’abaissèrent, se jeta au-devant du prince de Condé et le couvrit de son corps. Les balles sifflèrent, et le cheval de Belle-Rose, qu’il avait forcé à se cabrer, bondit, frappé à mort. Trois ou quatre gentilshommes roulèrent de selle, et l’épée s’échappa des mains du prince de Condé. Une balle égarée lui avait cassé le bras. Près de lui, le marquis de La Force tomba sous les pieds des chevaux. Belle-Rose ramassa l’épée du prince et la lui rendit.

– Donnez, monsieur, donnez ! s’écria le prince qui la saisit de la main gauche, et faisons voir à cette canaille que le fer a raison du plomb.

Et passant par-dessus le cadavre du marquis de La Force, il chargea les Hollandais, qui tournèrent bride. Au bout de cinquante pas on arriva aux barrières, soldats et gentilshommes, vainqueurs et vaincus, cavaliers et fantassins, tous mêlés. M. de Nancrais avait donné son cheval à M. de Luxembourg, qui avait perdu le sien. La Déroute, voyant ses deux chefs à pied, descendit de selle. M. de Pomereux, qui s’était emparé d’un drapeau, combattait à côté du duc de Longueville, le dépassant d’une demi-longueur de cheval à peu près. Le jeune duc s’efforçait d’atteindre la barrière avant le comte.


– À Versailles, je vous céderais le pas, mon cher duc, lui dit M. de Pomereux en riant, mais nous avons laissé l’étiquette de l’autre côté du Rhin.

Comme il parlait encore, l’infanterie hollandaise coucha toute la troupe en joue. À la vue de cette longue file de mousquets étincelants, la Déroute sauta comme un lion