Aller au contenu

Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/562

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tirant sa montre, il la regarda à la clarté rouge de la torche.

– Vous avez trois minutes pour vous décider, reprit-il ; à la troisième, si vous n’êtes pas prêt, cet homme que voilà vous cassera la tête d’un coup de pistolet, comme on tue une bête venimeuse.

La Déroute prit un pistolet à sa ceinture et l’arma. M. de Charny eut froid jusque dans la moelle des os. Il attendit deux minutes ; le silence était si profond qu’on entendait crier les girouettes sur les toits. Le cocher se tenait des deux mains à son siège pour ne pas tomber. À la troisième minute, M. de Charny tira son épée.

– Je suis prêt, monsieur, dit-il.

Au travers de son épouvante, une idée subite avait ranimé son courage éperdu. Maintenant il ne craignait plus de mourir, il croyait vaincre. Belle-Rose se mit en garde ; Grippard s’approcha, levant la torche. La Déroute remit le pistolet à sa ceinture et les deux fers furent croisés. M. de Charny déploya, dès les premiers coups, toute la finesse de son jeu ; la confiance avait affermi sa main et augmenté ses ressources ; mais de son épée Belle-Rose se faisait une cuirasse ; partout le fer rencontrait le fer. On comprenait que chacun des deux lutteurs voulait tuer son adversaire. Leurs pieds semblaient cloués au sol, et leurs épées, rapides et flexibles, s’entrelaçaient comme des serpents lumineux. La main gauche de M. de Charny s’appuyait contre sa hanche, mais elle glissait par un mouvement imperceptible vers la poche de son haut-de-chausses. Tout à coup, et après une riposte de Belle-Rose, qui tacha de quelques gouttes de sang la manche du gentilhomme au-dessus du coude, cette main reparut armée d’un pistolet. L’arme s’éleva et le coup partit ; mais Belle-Rose, plus prompt que l’éclair, se jeta de côté, et la balle, effleurant la poitrine dans toute sa longueur, traversa le bras gauche du soldat.