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Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/74

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l’un de l’autre, ils entendirent comme le bruit d’un soupir derrière la fenêtre. Au même instant, au milieu du silence profond, le sable d’un sentier voisin cria sous des pas invisibles. Guillaume et Jacques sortirent ; le bruit du vent venait d’un côté ; de l’autre, le voile de Suzanne flottait comme l’aile d’un cygne fugitif. – C’est un fermier qui regagne son village, dit Guillaume ; et tous deux rentrèrent.

Jacques passa la nuit sous le toit du fauconnier, mais au point du jour il partit. Une fois encore il reçut la bénédiction paternelle sur le seuil de cette porte où, trois ans plus tôt, il s’était agenouillé plein de joie et d’espérance, et que maintenant il quittait plein d’amertume et de découragement. Jacques ne prit pas la route de Laon ; ainsi que tous les cœurs blessés, il avait besoin d’affection ; il pensa à M. d’Assonville et se dirigea vers Arras, où le capitaine de chevau-légers tenait alors garnison. Un secret instinct lui disait que M. d’Assonville était comme lui, souffrant, et qu’ainsi que lui il aimait sans espoir. Le sergent trouva le jeune officier dans un salon qu’éclairait mal un mince rayon égaré entre d’épais rideaux. M. d’Assonville se promenait dans cette large pièce, où le bruit de ses pas était étouffé par un tapis. C’était bien toujours le même beau jeune homme, dont la tête intelligente et fine avait un air de douceur et de fierté qui charmait. Seulement, son regard semblait plus triste encore, et la pâleur transparente de son visage se marbrait de teintes bleuâtres sous les paupières. En voyant le soldat, M. d’Assonville sourit.

– Sois le bienvenu, lui dit-il. Nous amènes-tu cette fois des sapeurs ou des canonniers ?

– Non, capitaine, je viens seul.

– Seul ! Et que viens-tu faire ?

Jacques ne répondit pas. M. d’Assonville, étonné, s’approcha de lui ; un coup de vent qui écarta les rideaux lui permit de mieux voir le visage de son protégé.

– Mon Dieu ! qu’as-tu donc ? s’écria-t-il.