Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/73

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Jacques, et Jacques lui-même était assis sur le banc, trop faible encore pour se relever, mais trop fort déjà pour rester couché.

– Jacques ! s’écrièrent-elles ensemble.

– J’ai cru que j’allais mourir, reprit-il ; je vous entendais et je ne pouvais parler. Maintenant, écoutez-moi. Vous, Suzanne, ajouta-t-il, vous que j’appelle ainsi pour la dernière fois, vous allez retourner au château.

Suzanne secoua la tête.

– Il le faut, reprit Jacques, et je vous en prie… J’ai bien le droit, dit-il avec un triste sourire, de vous demander une grâce.

Suzanne courba son front.

– Me pardonnez-vous, au moins, Jacques ?

– Je n’ai rien à vous pardonner. Vous avez obéi à votre père et au mien. Je vous ai entendue tout à l’heure, et j’ai compris que votre peine égalait la mienne ; si vous m’êtes ravie pour toujours, vous m’êtes toujours chère et sacrée. Maintenant, adieu ; vous êtes la marquise d’Albergotti.

– Le nom ne change pas le cœur, dit Suzanne. Si vous étiez mort à cause de moi, je me serais tuée.

Jacques saisit sa main ; mais au moment où il la portait à ses lèvres avec une ardeur convulsive, Guillaume Grinedal l’arrêta.

– Madame d’Albergotti, dit-il, votre mari vous attend.

Les deux amants tremblèrent de la tête aux pieds ; leurs mains unies se séparèrent. La voix de Guillaume avait réveillé Suzanne comme d’un songe. Une heure, l’amante l’avait emporté sur l’épouse ; c’était maintenant au tour de l’épouse de l’emporter sur l’amante. Suzanne releva son front, où passa une subite rougeur.

– Adieu, dit-elle à Jacques. Vous ne me perdez pas tout entière, l’amie vous reste.

Jacques ne répondit pas, et Suzanne sortit au bras de Claudine. Quand ils furent seuls, Jacques et Guillaume s’embrassèrent. Comme ils tombaient dans les bras