Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/88

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fit asseoir Claudine sur un sofa. Il avait une furieuse envie de lui adresser une question, la seule qui tînt à son cœur, une question qu’un nom résumait. Une incroyable émotion l’en empêchait. Il fit un détour pour arriver à son but.

– N’es-tu pas déjà venue ? dit-il à Claudine.

– Si, vraiment, il y a quelques jours. Mais depuis lors il m’a été impossible de retourner ici.

– Que ne laissais-tu ton adresse ?

Claudine parut embarrassée un instant.

– Je ne le devais pas, reprit-elle après.

– Et pourquoi ?

– Parce que tu serais venu me voir.

Belle-Rose comprit. Il baissa les yeux, Claudine lui prit la main.

– Tu n’es donc pas arrivée seule à Paris ? reprit-il.

Claudine secoua la tête.

– Suzanne est à Paris ! dit Belle-Rose. J’y suis, et sans toi j’aurais ignoré sa présence !

– Oh ! ne la blâme pas ! Quand elle a quitté Malzonvilliers pour suivre son mari, qu’une affaire importante appelait à Paris, elle m’a suppliée de l’accompagner. Je n’ai pas pu refuser. Elle est si malheureuse !

– Malheureuse ! s’écria Belle-Rose.

– Il n’y a que moi et Dieu qui savons ce qu’elle souffre. M. d’Albergotti l’ignore. Quand il est là, elle sourit ; quand il s’éloigne, elle pleure.

Belle-Rose cacha sa tête dans ses mains.

– En arrivant à Paris, il y a quelques jours, elle est tombée malade… Oh ! elle est sauvée, reprit Claudine en voyant le trouble de son frère ; c’est elle qui m’a renvoyée vers toi…

– Oh ! j’irai, j’irai la voir, la remercier…

– Non, ne viens pas, ta présence la tuerait.

– Elle ne m’a donc pas oublié ? s’écria Belle-Rose avec cet accent profond que donne l’égoïsme de l’amour.

– Oublié ? Si tu l’étais, Jacques, serait-elle toujours