Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/94

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lui porta un coup si furieux, qu’il l’aurait transpercé d’outre en outre, si Belle-Rose, au bruit de ses pas, ne se fût jeté de côté. Le fer déchira les habits du sergent et glissa sur l’épaule ; mais grâce à la vivacité du mouvement et de la parade, la chair seule fut entamée.

– Vous pratiquez donc aussi l’assassinat, monsieur ? dit l’étranger, tandis que le cocher poussait les chevaux dans la direction de la métairie avec une ardeur sans pareille.

M. de Villebrais pâlit à cet outrage.

– En garde ! monsieur, s’écria-t-il d’une voix étranglée par la fureur ; et il s’élança vers l’inconnu.

– Vous m’oubliez, je crois ! dit Belle-Rose ; et d’un bond il tomba entre le lieutenant et l’étranger.

– Si votre adversaire voulait me céder son tour, reprit celui-ci sans même toucher à la garde de son épée, je consentirais bien à vous faire l’honneur de me mesurer avec vous, monsieur ; mais je vous ferai observer que vous lui devez la préférence.

– Me battre avec un manant, jamais !

– Il le faudra cependant bien.

– Et qui m’y forcera ? dit M. de Villebrais dédaigneusement.

– Moi ! qui suis tout prêt à vous frapper sur la joue du plat de mon épée, si vous hésitez.

M. de Villebrais se mordit les lèvres jusqu’au sang.

– Écoutez donc, monsieur, continua l’étranger du même ton et sans paraître plus ému que s’il se fût agi d’un souper, quand on passe du rapt au meurtre avec une si surprenante facilité, il faut bien s’attendre à quelque désagrément. Tout n’est pas bénéfice dans le métier.

La honte de l’action qu’il avait commise, et la rage qu’inspiraient à M. de Villebrais les paroles dont son oreille était fouettée, l’emportèrent sur l’orgueil du rang.

– Soit, répondit-il. Je me battrai avec ce manant, et ce sera votre tour après.