Page:Achard - Belle-Rose, 1847.djvu/95

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

– Volontiers, s’il est nécessaire.

M. de Villebrais tâtait déjà le terrain du pied, lorsque l’étranger reprit :

– Puisque vous vous rendez à mes observations avec une si louable complaisance, permettez-moi, monsieur, de vous en adresser une nouvelle. Ce n’est point ici un lieu commode pour se battre. On court le risque d’être dérangé, ce qui est toujours fâcheux. J’avise là-bas un petit bouquet d’arbres où l’on serait merveilleusement. Vous plairait-il d’y aller ? L’endroit est frais.

– Allons ! répliqua M. de Villebrais.

Les trois jeunes gens passèrent sous le bosquet, et les deux adversaires croisèrent le fer sur-le-champ. M. de Villebrais se battait en homme qui veut tuer et ne négligeait aucune des ressources de l’escrime. Mais il avait affaire à un homme aussi déterminé que lui et plus habile. À la troisième passe, l’épée de M. de Villebrais sauta sur l’herbe. Belle-Rose rompit.

– Dites-moi, monsieur, que vous regrettez tout ceci, et je n’y penserai plus, s’écria-t-il.

M. de Villebrais avait déjà ramassé son épée ; sans répondre, il retomba en garde. Belle-Rose avait recouvré assez de sang-froid pour se souvenir que l’homme qu’il avait en face était son officier. Il aurait donc bien voulu se borner à parer, mais M. de Villebrais le poussait si rudement qu’il dut se résoudre à rendre coup pour coup. Le froissement du fer l’anima, et une botte qui vint l’égratigner acheva de lui faire perdre tout ménagement. Deux minutes après, son épée s’enfonçait dans la poitrine de M. de Villebrais ; M. de Villebrais voulut riposter, mais le fer s’échappa de ses mains, un flot de sang monta à ses lèvres, et il tomba sur les genoux. L’étranger le souleva et l’appuya contre un arbre.

– Il se peut qu’il n’en revienne pas, monsieur, dit-il à Belle-Rose ; commencez par déguerpir, on arrangera l’affaire après.