Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/100

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Au point du jour, quand il ouvrait les yeux, il avait maintes fois observé des oiseaux qui venaient par les deux lucarnes jusque dans sa chambre pour ramasser les miettes de pain éparses sur le carreau. Une idée lui traversa l’esprit au moment où la faim commençait à se glisser dans ses entrailles. À l’aide d’une couverture qu’il jeta adroitement sur les petits voleurs, il réussit à s’emparer chaque matin de deux ou trois d’entre eux. Alors il suspendait à leur cou ou à leurs ailes, avec des bouts de fil, des morceaux de papier sur lesquels il avait écrit ces mots : Château de Rabennest ; et plus bas : Armand-Louis de la Guerche. Cela fait, il rendait la liberté à ses petits prisonniers, qui s’envolaient en poussant mille cris.

« Qui sait ! pensait Armand-Louis, peut-être un de ces papiers tombera-t-il aux mains d’un ami ! »

Et chaque jour des oiseaux portaient ces messages incertains aux quatre pans de l’horizon.

Cette observation que M. de la Guerche avait faite sur le menu qu’on lui servait, Renaud l’avait faite aussi. C’était l’apparence d’un déjeuner, suivie de l’ombre légère d’un dîner. Un matin, Renaud, qui avait grand appétit, faillit rompre les os au valet qui posait la pitance ironique sur un coin de la table. Le jour suivant, on introduisit le plat par un judas ; le menu avait subi une nouvelle diminution.

— C’était bien difficile cependant, murmura Renaud.

Il s’en vengea en dessinant Mathéus sous la forme d’un squelette.

Quelque temps il résista à cette torture lente, infligée avec la patience d’un chat qui tourmente une souris ; puis il sentit ses forces s’affaiblir. De sourdes douleurs lui traversaient les entrailles ; il avait comme des bourdonnements dans les oreilles. Il attendait l’heure de ses repas avec une farouche impatience, et se jetait sur les misérables aliments qu’