Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/104

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— Ne le tuez pas… Vous le regretteriez ! dit-il.

Mathéus repoussa l’arme dans sa gaine.

— Vous avez raison, reprit-il ; céder au premier mouvement, quelle folie !… Qu’on porte le prisonnier dans la chambre verte ; nous verrons demain s’il est en état de me revoir.

On appelait la chambre verte un cachot enfoncé sous les fondements du château, et taillé dans une pierre sur laquelle l’humidité étendait un enduit de mousse verdâtre et gluante : de là son nom. Le jour n’y pénétrait d’aucun côté ; on y parvenait par une porte basse en fer massif. Quelques fétus de paille se voyaient dans un coin. On y déposa Renaud, qui ne remuait plus. On aurait pu croire qu’il était mort, si les battements irréguliers du pouls n’eussent indiqué la présence de la vie dans ce corps robuste. Le médecin fit placer une lanterne contre le mur, et, sous la lanterne, une cruche pleine d’eau et un morceau de pain noir.

— Soyons humain, dit-il.

Le jour où Renaud subissait cette terrible épreuve, Armand-Louis ne trouvait sur sa table qu’une croûte de pain dur comme un caillou et un pot à demi plein d’une eau saumâtre. Il entrait dans les principes de Mathéus de ne point avoir d’injuste préférence.

La nourriture égalisée entre ses deux pensionnaires, ainsi qu’il appelait quelquefois M. de la Guerche et de M. de Chaufontaine, il crut honnête de rétablir l’équilibre dans les logements.

C’est pourquoi Armand-Louis fut conduit dans la chambre rouge.

On appelait de ce nom, au château de Rabennest, un caveau creusé sous la tour du Corbeau, et taillé dans un filon de granit couleur de brique.