Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/143

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dirigeait ses pas avec une impatience fiévreuse, vengée enfin et tout enorgueillie de son triomphe ; et si au contraire, elle y apparaissait vaincue et déchirée par sa défaite, elle nourrissait l’espoir de tirer un parti meilleur de cette infortune.

Elle poursuivait alors un double but : perdre sa rivale d’abord ; puis, sevrée du seul amour qui eût fait battre son cœur, montrer à Renaud, par l’éclat de la toute-puissance à laquelle prétendait son ambition, ce qu’elle était et ce qu’elle avait voulu lui sacrifier.

« Alors il me connaîtra, pensait-elle, et alors peut-être il me regrettera ; je ne sais pas si je serai heureuse, mais du moins il ne sera pas heureux non plus !… »

Chemin faisant, elle arrangea son thème et se prépara à ce rôle de victime qu’elle voulait jouer.

L’homme que l’empereur Ferdinand avait créé duc de Friedland en récompense des services rendus à la Maison de Habsbourg, occupait alors à Prague une position dont l’éclat ne le cédait pas même à la grandeur souveraine de son maître. Il avait une réputation militaire égale à celle du comte de Tilly, un faste et des richesses qui l’emportaient sur tout ce qu’on avait vu jusqu’alors. En disgrâce depuis quelque temps, il avait, dans la retraite qu’il s’était choisie au milieu de ses domaines, une Cour qu’un roi puissant eût enviée. Autour de lui se pressait tout un peuple d’officiers dévoués à sa fortune et que sa main prodigue entretenait magnifiquement ; il avait soixante pages et cinquante gardes attachés à sa maison.

Les plus grands seigneurs se faisaient une joie d’être admis dans ce palais féerique auquel six vastes portiques conduisaient ; les gentilshommes des meilleures maisons ambitionnaient l’honneur de la servir. Ses trésors suffisaient à tout, et, dans cette solitude royale sur laquelle l’Allemagne