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Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/144

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avait les yeux, son indomptable ambition méditait de nouvelles grandeurs.

Il n’était pas dans tout l’empire, des bords de l’Elbe au Rhin, de la mer Baltique aux montagnes du Tyrol, un soldat qui ne le connût, un chef d’armée qui ne le respectât ou ne le craignît. Son nom était un drapeau ; à son appel, il n’était pas un homme sachant manier l’épée ou le mousquet qui ne fût aise d’entreprendre sous ses ordres une nouvelle campagne, et ne fût dès lors assuré de vaincre. Il avait le grand art de récompenser largement quiconque le servait. On l’avait vu improviser en quelque sorte des armées, et, tout à coup, surgir à la tête de régiments nombreux d’une province dévastée où, la veille encore, on ne rencontrait que des fuyards.

Il avait des chambellans et des majordomes, ses grands officiers et ses ambassadeurs comme l’empereur avait les siens. On traitait avec lui comme avec une tête couronnée. Disgracié par l’effroi du maître, qui le redoutait, il n’était pas abattu ; un revers des armes impériales pouvait lui rendre la toute-puissance militaire. Or, la baronne d’Igomer avait assisté à trop d’événements depuis un petit nombre d’années pour ne pas savoir que la guerre a ses caprices. Elle ignorait d’où viendrait le coup de foudre qui ferait remonter Wallenstein au pinacle, mais elle avait la conviction qu’il éclaterait. Il fallait donc s’assurer de lui avant qu’il fût le maître.

La baronne n’avait pas oublié qu’autrefois, à Vienne, et un soir de fête, le premier lieutenant de l’empereur l’avait regardée avec des yeux que ses familiers ne lui avaient jamais vus pour personne. Il lui avait parlé, et cette voix dure, qui faisait trembler tout le monde, s’était attendrie ; ce visage austère et jaune s’était coloré. Quelque chose avait battu dans la poitrine du farouche général qu’il n’était pas accoutumé à y sentir. À cette époque, Mme d’Igomer, mariée depuis