Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/191

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ne l’avait vue si pâle et si défaite, même au jour où il l’avait saluée pour la dernière fois dans le château de Saint-Wast.

Cette femme vindicative, qui obéissait à toutes les inspirations de la haine, semblait avoir perdu presque toute sa force ; la robe blanche qu’elle portait laissait voir l’agitation de son sein. La pâleur d’une morte couvrait son front et ses joues. Cependant Renaud, qui la contemplait, soulevait encore de la main un des pans de la portière, comme un homme prêt à se retirer.

— Que craignez-vous ? dit Mme d’Igomer d’une voix douce, il n’y a qu’une femme et un enfant.

— Ah ! cette femme, c’est vous ! dit Renaud.

— Si vous voulez dire par là que de moi dépend le sort de Mlle de Pardaillan, c’est vrai, mais il dépend de vous que demain elle soit libre.

— De moi !… Que faut-il faire ?… Ah ! tout mon sang…

— Vous le donneriez pour elle, n’est-ce pas ? poursuivit Mme d’Igomer en l’interrompant ; je le sais, mais pourquoi me le dire ?… Ah ! vous prenez une mauvaise voie pour cicatriser la blessure qui saigne là !

Thécla tomba accablée sur un fauteuil ; son visage avait la couleur de la neige ; des larmes (elles n’étaient pas feintes cette fois) coulaient de ses yeux. Renaud s’empara de ses mains et les sentit frissonner entre les siennes.

— Si vous vouliez, reprit-il, j’emploierais ma vie entière à vous bénir !

— Écoutez, répondit Mme d’Igomer, je me croyais plus forte que je ne le suis, plus enracinée dans ma haine… Je vous ai vu, et je ne sais quelle flamme a subitement amolli ce cœur qui n’a battu qu’une fois… que dis-je ? ne sais je pas quelle influence, quel charme l’a vaincu ? Toute cette émotion que j’avais oubliée m’a tout à coup envahie… de