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Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/192

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longs mois de deuil, remplis par l’esprit de vengeance, se sont effacés, et de tout ce que j’ai souffert ou rêvé, de mes larmes d’ivresse et de désespoir, il n’est rien resté que vous…

Un instant Thécla se tut ; un mélange d’étonnement et de tristesse se répandit dans l’âme de Renaud : il allait répliquer, Mme d’Igomer l’arrêta :

— Connaissez-moi tout entière, poursuivit-elle ; ce que vous voudrez que je sois, je le serai ; je ne peux plus être à présent votre compagne dans la vie, la femme fière de marcher appuyée à votre bras ; je serai votre servante, et nulle ne sera plus dévouée, plus humble, plus heureuse du sort que vous lui ferez… Si vous voulez que j’aime Mlle de Pardaillan, je l’aimerai… mais aimez-moi, ou, si cet effort vous est impossible encore, ne l’aimez plus du moins et renoncez à cette pensée maudite de lui donner votre nom ! Ne vous rappelez-vous rien, dites, et me montré-je bien exigeante en vous demandant un peu de pitié ? Rappelez-vous ces heures passées l’un près de l’autre, pendant de longues nuits d’été ; rappelez-vous les serments d’autrefois… Ah ! si vous en avez perdu la mémoire, mon triste cœur en est encore brûlé, vous ne savez pas combien je vous aimais ! Hélas ! je ne le savais pas moi-même ! Voyez ce que vous avez fait de moi et dans quel abîme je suis descendue ! Ne devez-vous rien à celle que vous avez abandonnée, et qui sans vous, peut-être… Mais je ne veux rien vous reprocher, je bénis ce mal qui m’a fait vous connaître, qui m’a fait vous aimer !… Le bonheur que j’ai goûté jadis, je vous en demande l’ombre, le souvenir ! À ce prix, il n’est rien que vous n’obteniez de moi. Mettez votre main dans la mienne, jurez-moi que jamais Mlle de Pardaillan ne s’appellera Mme de Chaufontaine, et ma confiance ira jusqu’à vous dire : « Elle est libre ! »