Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/204

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Et d’un geste hautain il la jeta à ses pieds. Armand-Louis venait de s’approcher du roi, qui, tout pensif, assistait à cette scène.

— Sire, qu’en pensez-vous ? reprit-il.

Et, croyant que le reptile était écrasé, il s’éloigna.

— Eh bien ? dit le roi, qui se tourna subitement vers M. de Lauenbourg.

— Ah ! si cet homme n’avait pas été votre hôte, je l’aurais tué ! s’écria le duc.

— On ne tue pas M. de la Guerche si aisément, reprit le roi ; mais c’est de cette chaîne qu’il s’agit, et non pas de lui.

Le coup avait été rude et non moins terrible qu’imprévu ; mais le duc était seul et il savait que Gustave-Adolphe l’aimait. Faisant tout à coup un appel énergique à son audace :

— Eh bien, c’est vrai, cette chaîne est à moi, et c’est à la porte de la maison blanche que je l’ai perdue. Rappelez-vous seulement que Marguerite était belle et que j’étais jeune. Tout ce qu’on peut faire pour étouffer un amour dont le cœur est plein, je l’ai tenté. Vains efforts ! Son image me poursuivait partout. Est-ce ma faute si je l’ai rencontrée avant vous, Sire ? Lorsqu’une confidence, que je n’appelais pas, est venue m’apprendre que je n’avais plus le droit d’espérer, vous ne savez pas quelle torture m’a déchiré ; j’aurais voulu fuir… disparaître… oublier celle qui était l’âme de ma vie. Un fil invisible, mais fort, me ramenait aux lieux où elle respirait, et je m’abreuvais du poison avec l’amère volupté d’un cœur que rien ne peut déshabituer de son amour. Ah ! j’ai cru cent fois que j’expirais ! Aux heures où vous étiez près d’elle, moi, ivre de désespoir, je rôdais autour de cette demeure enchantée, dont j’aurais fait mon royaume et mon paradis