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Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/212

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le félicita, ainsi que Rudiger, sur l’excellence de leur choix.

— Au commencement la ruse, disait Magnus ; le tour de la force viendra toujours assez vite.

— Toujours trop vite ! ajouta Carquefou, auquel cette odyssée en pays ennemi semblait un défi à jeter à Lucifer.

Le déguisement proposé par Magnus était d’ailleurs le seul moyen de traverser sans encombre, ou du moins sans trop de périls, les lignes de l’armée de Wallenstein. On eut quelque peine cependant à déterminer certains gentilshommes qui poussaient plus loin que d’autres l’esprit d’aventure à couvrir leur chapeau de la cocarde détestée. Ils n’avaient jamais, disaient-ils, caché leurs noms ni leurs visages ; or, ils ne voulaient pas de masque.

— Eh ! messieurs, que n’envoyez-vous plutôt un exprès au duc de Friedland pour lui faire connaître le jour de votre départ et le chemin que vous prétendez suivre ? s’écria Magnus impatienté.

Les pointilleux cédèrent enfin, et on ne songea plus qu’à tout mettre en ordre pour le lendemain. Une animation extraordinaire régna dans le quartier des dragons pendant toute la nuit. On ne voyait que des gens affairés allant et venant ; ceux-là pansaient leurs chevaux ou fourbissaient leurs armes ; quelques-uns écrivaient des lettres d’adieux, tandis que des soupirs furtifs gonflaient leur poitrine. Les plus jeunes chantaient des refrains qui leur rappelaient la patrie absente ; on en voyait qui priaient à l’écart. Mais si diverses que fussent ces occupations, le même entrain brillait sur tous les visages. Pour rien au monde le plus grave de ces gentilshommes n’eût renoncé aux folies de cette expédition.

Le bruit s’en était répandu dans le camp suédois et y avait jeté une sorte de fièvre. On craignait bien de ne plus revoir la plupart des téméraires qui devaient monter à cheval dès