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Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/230

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lui appartiennent pas… son déguisement et le vôtre pouvaient tromper tous les yeux, excepté ceux d’une bohémienne… J’ai pensé que vous ne vouliez pas être reconnus, et j’ai fait comme si je ne vous voyais pas.

— Voilà une enfant qui a le cœur d’un homme ! murmura Magnus.

— J’ai le cœur d’une femme qui se souvient. Si maintenant vous avez besoin de Yerta, Yerta est à vous.

Elle croisa les bras sur sa poitrine et attendit.

— Eh bien ! Yerta, tu peux en un jour payer au centuple ce que j’ai fait pour toi !… s’écria M. de la Guerche.

— Ordonnez, j’obéis.

— Tu entres au château de Drachenfeld et tu en sors librement ?

— Aussi librement que l’oiseau vole dans les forêts.

— Tu as dû y voir deux jeunes filles, deux prisonnières.

— Je les ai vues… l’une qui rit quelquefois ; l’autre qui prie… toutes deux belles comme le matin.

— Yerta, il faut m’aider à les sauver.

— La langue parle de deux jeunes filles, mais le cœur ne pense qu’à une : celle-là est blonde, avec des yeux bleus plus doux que le ciel, plus tristes que la nuit ; elle prie bien souvent et s’appelle Adrienne.

— Quoi ! tu sais… ?

— Il y avait dans votre tente, sur le champ de bataille de Leipzig, un médaillon entre deux épées ; quand j’ai vu au château de Drachenfeld une femme dont les traits ressemblaient au visage peint sur le médaillon, j’ai pensé qu’un jour vous viendriez, c’est pour cela que j’ai attendu.

— Bonne Yerta !

— Elle n’est pas ingrate, celle pour qui vous vous êtes exposé à mille morts ! Ne l’eussé-je pas reconnue, je l’aurais devinée