Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/233

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orage, dit-elle ; je lis dans vos traits qu’avant que l’année entière soit écoulée, vous serez mariée à un jeune et puissant seigneur qui vous aime…

— Et qui bientôt sera ici, n’est-ce pas ? ajouta Mme d’Igomer, qui pensait à Jean de Werth.

— Oui, bientôt il sera ici !… Comme vous je le sais, comme vous je le vois.

Adrienne retira son bras vivement.

— Ne voulez-vous pas que je vous dise son nom ? poursuivit Yerta.

— Puisque le sort vous protège, laissez parler le sort, mignonne, dit la baronne, qui s’éloigna après avoir échangé un regard d’intelligence avec la bohémienne.

Déjà Yerta s’était emparée de la main qu’on lui refusait.

— Armand-Louis, murmura-t-elle tout bas.

Adrienne trembla de la tête aux pieds.

Mais la bohémienne, qui feignait d’examiner attentivement les lignes tracées dans la main d’Adrienne, continua :

— On nous observe : ne tremblez pas, essayez même de sourire ; je l’ai vu, il est près d’ici, il vous délivrera… Mais, tenez-vous prête au premier signal ; vous laisserez votre lampe allumée… Et si vous m’entendez chanter la nuit, que votre porte alors reste ouverte, quelqu’un ne sera plus loin… À présent, laissez croire à Mme d’Igomer que vous êtes résignée. On peut souffrir un peu pour qui vous aime beaucoup !

Yerta laissa tomber la main d’Adrienne, et, passant le pouce sur la peau sonore du tambourin, elle chanta doucement :

J’aime ! dit la lune blonde,
Qui dans l’onde
Baigne son disque d’argent.