Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/232

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que M. de la Guerche avait vue le visage souillé de sang et noir de poudre, hâve et meurtri ; c’était une femme dans tout l’éclat d’une beauté sauvage, fière et triste, le front tout rayonnant d’intelligence, le regard lumineux.

— Trouvez-vous demain, à la première heure du soir, devant la poterne du château, derrière cet épais rideau de chênes qu’on voit d’ici, reprit-elle ; j’en aurai la clé, et une lumière qui brillera à la plus haute fenêtre de la tour là-bas, du côté du couchant, vous dira que celle que vous aimez ne dort pas et qu’elle attend.

Yerta s’enfonça lentement dans les bois, où le regard de M. de la Guerche la suivait ; bientôt la silhouette légère de la bohémienne disparut, et l’on n’entendit plus sur les feuilles sèches le bruit de sa marche. Deux larmes coulaient silencieusement le long de ses joues.

— Sait-elle seulement combien elle est heureuse, cette captive ? dit-elle, comme si la voix se fût échappée de ses lèvres à son insu.

Baissant alors la tête, elle gravit la pente qui conduisait au château.

Un moment après, on pouvait la voir dans la galerie où Mme d’Igomer aimait à réunir les personnes du voisinage auxquelles son hospitalité offrait le divertissement de quelque fête. Yerta faisait résonner son tambour de basque et s’arrêtait auprès de chaque groupe ; mais son regard, vif comme celui des oiseaux, cherchait partout un visage qu’elle ne voyait pas. Une porte s’ouvrit enfin, et Adrienne parut.

— Toujours la dernière, et la dernière pour être mieux admirée ! dit la baronne s’avançant vers Mlle de Souvigny.

Mais Yerta l’avait précédée, et posant l’index sur le bras de la jeune fille :

— L’aurore suit les ténèbres… le rossignol chante après l’