Page:Achard - Envers et contre tous, Lévy frères, 1874.djvu/300

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femmes ne se signent-elles pas quand elles voient leurs clartés errantes ! Croyez-vous que les torches qui doivent guider vos pas en augmentent beaucoup le nombre ?

Ayant ainsi parlé, Asa poussa son cheval dans le marais ; l’eau jaillit sous les pieds de l’animal. Renaud arrêta le garde par le bras.

— Par le sang du Christ, ce n’est pas une trahison ? dit-il.

Asa étendit la main vers Adrienne.

— Elle a sauvé mon enfant, et il doute de moi ! s’écria-t-il.

Il fit un pas au milieu des herbes ; Adrienne le suivit résolument, et toute la troupe s’engagea dans le marais.

Le vent soufflait et agitait les touffes épaisses des roseaux, qui rendaient un murmure plaintif. Quelquefois un oiseau sauvage, réveillé par le passage des cavaliers, partait en jetant un cri, et de son aile effarouchée effleurait le manteau d’un dragon. Bientôt le dernier soldat eut quitté le rivage, et M. de la Guerche le suivit.

Rien n’interrompit le silence dans lequel s’endormit le village, si ce n’est parfois le cri des sentinelles impériales.

La longue file des huguenots s’enfonçait de plus en plus dans le marais : ils marchaient lentement, les uns derrière les autres, cherchant la trace de leurs pas, la tête de chaque cheval sur la croupe du cheval qui le précédait. Personne ne parlait. Les torches secouées par le vent jetaient sur la surface morne des eaux des clartés rouges qui se perdaient au milieu des joncs. Il y avait des instants où les chevaux s’enfonçaient dans la vase jusqu’au jarret ; deux ou trois fois leur large poitrail disparut à demi dans un lit d’herbes flottantes ; mais au moment où le terrain semblait manquer sous les pieds, ils rencontraient un sol ferme que la nappe des eaux dormantes cachait à tous les yeux.